Genou | Arthropathies | Goutte tophacée chronique
Jeune patient de 25 ans consultant pour gonalgies antérieures droites.
IMAGERIE
Ci-dessous, trois coupes sagitales : IRM DP, PD FS et échographie mode B de gauche à droite. Les coupes axiales correspondantes au niveau de la tubérosité tibiale antéreure (TT) sont présentées ci-après (IRM DP FS, Echographie mode B et Doppler couleur).
L'IRM met en évidence un nodule intratendineux (astérisque) enchassé dans la face superficielle de l'enthèse distale du tendon patellaire (têtes de flèche) qui est épaissi. Ce nodule est de signal intermédiaire en pondération DP, franc hypersignal non liquidien en DP FS et d'échostructure hétérogène, avec microponctuation hyperéchogène. La formation nodulaire apparait cependant moins bien limitée en sa portion profonde, disséquant les fibres tendineuses en franc hyposignal et hypoéchogènes (notamment en axiales DP FS et échographie).
A noter un spot ponctiforme en asignal sur toutes les séquences (visible sous l'astérisque en sagittal), non visible en échographie et correpondant probablement à une microcalcification ou un dépot d'hémosidérine.
Présence d'une importante hyperhémie au doppler, sans oedème des parties molles en regard à l'IRM, notamment au niveau de la graisse sous-cutanée infrapatellaire superficielle ou du Hoffa ni d'oedème osseux du spongieux.
Les mêmes examens présentés ci-dessous en région patellaire (IRM DP FS axiale sagittale et axiale à gauche, DP FS en haut à droite et échographie mode B en bas à droite) mettent en évidence une seconde lésion prépatellaire (têtes de flèche) présentant les mêmes caractéristiques sémiologiques. Cette lésion nodulaire est développée aux dépens des fibres d'extension prépatellaires latérales du tendon quadricipital superficiel vers le tendon patellaire.
Notez, une seconde fois, l'absence d'oedème osseux ou des parties molles au ocntact malgré l'hyperhémie Doppler marquée (non montrée ici) et l'aspect hyperéchogène ponctué en mode B.
DIAGNOSTIC
Le diagnostic proposé de goutte tophacée chronique a été confirmé biologiquement chez ce patient présentant par ailleurs des antécédents familliaux de goutte.
SEMIOLOGIE ET INTERET DE L'IRM ET DE L'ECHOGRAPHIE DANS LA GOUTTE TOPHACEE
1) ECHOGRAPHIE DANS LA GOUTTE
Les études récentes(1) reconnaissent actuellement le rôle majeur de l'échographie dans le diagnostic précoce de goutte mais aussi le monitoring sous traitement. Concernant les signes échographiques :
- Tophus : Lorsqu'il est de siège intratendineux (topographie évocatrice sur les extenseurs), le tophus peut être de forme nodulaire pure (tophus prépatellaire dans le cas présenté) ou infiltratif, disséquant les fibres tendineuses (tophus de l'enthèse distale du tendon patellaire dans notre cas). Leur caractère typiquement hyperéchogène, avec microponctuation, est très évocateur du diagnostic et permet, notamment si il s'y associe des calcifications (un tiers des cas) d'éliminer un nodule rhumatoïde (plus homogène avec centre hypoéchogène) et d'autres lésions nodulaires avec une très bonne VPN. Cependant, des tophi hypoéchogènes ont été décrits, notamment dans les formes moins chroniques (présence de tissu fibreux ou inflammatoire) ce qui ne doit pas conduire à écarter le diagnostic. Autre signe évocateur, présent dans la moitié des cas environ, le halo hypoéchogène cerclant le tophus et correspondant à la zone fibrovasculaire décrite en histologie. Le caractère hyperhémique est en revanche moins spécifique.
- Double contour : dans l'arthropathie goutteuse, les dépôts d'acide urique monosodique dans la couche péripherique du cartilage hyalin sont à l'origine d'une ligne hyperéchogène à la surface chondrale appelé "signe du double contour" en raison de l'aspect des dépots parallèles à l'os sous chondral. Ce signe a été identifié dans la goutte tophacée, la crise aigue goutteuse mais aussi l'hyperuricémie asymptomatique et pourrait donc constituer le signe le plus précoce. Par ailleurs sa spécificité est excellente (environ 97% dans le diagnostic de goutte tophacée) mais sa sensibilité moindre (environ 35%). Ce pattern échographique des dépots d'urate de sodium les distinguent par aileurs de ceux de CPPD, enchassés dans le tiers moyen du cartilage sous la forme d'hyperéchogénicités multiples ponctiformes ou linaires parallèles à l'articulation. L'association de dépots microcristallins d'acide urique et de CPPD a été décrite sous le terme "signe du triple contour".
- Erosions : L'échographie est plus sensible que la radiographie dans le diagnostic des érosions notamment pour les érosions de petite taille ou des MTP.
- Hyperéchogénicité synoviale ou au sein du liquide articulaire ou bursal (aspect en "tempête de neige") demeurant non spécifique de la goutte et peu sensible (observé uniquement lors des accès aigus).
Au total, les recommandations de l'ACR 2012 reconaissent le rôle de l'échographie comme nouvelle modalité dans le diagnostic précoce des gouttes radiographiquement occultes. Enfin, certaines revues récentes de la littérature (2) soulignent l'intérêt du monitoring US dans le suivi sous traitement (en prenant la régréssion du double contour et des tophi comme cible thérapeutique).
1) IRM DANS LA GOUTTE
Si l'IRM (3) permet ue détection précoce des tophi et semble avoir une meilleure sensibilité que l'US dans la détection des érosions osseuses hors MTP, les microponctuations hyperéchogènes, très évocatrice du diagnostic et le double contour ne sont pas objectivés. Par conséquent, l'IRM présente un déficit relatif de spécificité.
Par ailleurs, Les tophi présentent à l'IRM un large spectre de signal sur les différentes pondérations, reflétant leur composition en proportion très variable du contenu protéique, fibreux, microcristallin et hémosidérine.
La plupart des lésions sont en isosignal T1 (comparativement au muscle) et de signal intermédiaire hétérogène en T2. Lorsqu'elle est réalisée, l'injection de Gadolinium retrouve un réhaussement intense, généralement homogène. Cependant un réhaussement hétérogène, voir une zone kystique centrale ont été décrits.
Les éléments les plus évocateurs de l'origine goutteuse d'une érosion découvert à l'IRM sont la présence d'un tophus en regard et l'absence classique d'oedème osseux.
Enfin, comme les dépôts microcristallins peuvent aussi être enchassés dans la synoviale, la goutte constitue une des étiologies de synoviale hypointense en T2 (parmi la SVN, l'arthropathie amyloide ou hémophylique pour les plus classiques).
REFERENCES
(1) High-resolution of rheumatologic disease - Radiographics 2015
(2) Use of US for diagnosis and monitoring of outcomes in crystal arthropathies, Curr Op2015
(3) Non septic mono-arthritis:Imaging features with clinical and histopathologic correlation - Radiographics 2000